quarta-feira, 3 de junho de 2015

Les complications ostéoarticulaires du diabète


Résumé
Un déficit en insuline peut avoir des répercussions sur la fonction cellulaire soit par ses conséquences directes soit par ses répercussions métaboliques. Les désordres musculo-squelettiques secondaires au diabète ne sont pas aussi bien connus que les complications rénales, neurologiques, ophtalmologiques ou cardiovasculaires. Cet article passe en revue les problèmes ostéoarticulaires les plus fréquents dans la population diabétique. Pour certaines pathologies, les corrélations avec les perturbations métaboliques du diabète sont clairement établies (ostéoarthopathie de type Charcot, ostéopénie, chéiro-arthropathie, périarthrite de l'épaule, hyperostose ankylosante, maladie de Dupuytren, arthrose, ténosynovite des fléchisseurs, syndrome du tunnel carpien, syndrome épaule-main). Dans d'autres cas, il s'agit probablement de l'association fortuite de maladies fréquentes (goutte, chondrocalcinose).

Introduction

Un déficit en insuline peut avoir des répercussions sur la fonction cellulaire soit par ses conséquences directes soit par ses répercussions métaboliques. Les complications ostéoarticulaires secondaires au diabète ne sont pas aussi bien connues que les complications rénales, neurologiques, ophtalmologiques ou cardiovasculaires. Or elles sont très fréquentes puisqu'elles peuvent être observées chez plus de la moitié des diabétiques. Leur début est souvent lentement progressif ; en outre plusieurs affections peuvent coexister en même temps chez un patient. Certaines associations sont connues depuis de nombreuses années, comme l'ostéoarthropathie de Charcot ; d'autres ont été décrites plus récemment, comme la chéiroarthropathie. Cet article passe en revue les différentes complications ostéoarticulaires observées plus fréquemment chez les sujets diabétiques que dans la population générale. Les principes de traitement de ces affections chez les sujets diabétiques sont les mêmes que pour la population non diabétique. Cependant, les injections de corticostéroïdes devront être administrées avec précaution, à des doses minimales de manière à perturber le moins possible le contrôle glycémique. 

Ostéoarthropathie diabétique de type Charcot 1,2,3,4,5,6,7

On doit la première description de l'ostéoarthropathie à un français, Jean-Martin Charcot, en 1868, dans le cadre de la syphilis. Une relation avec le diabète n'a cependant été établie qu'en 1936.
Il s'agit d'une arthropathie dégénérative touchant une ou plusieurs articulations, d'évolution progressive et indolore, affectant les patients diabétiques ayant une neuropathie périphérique sous-jacente.1 Sa prévalence est d'environ 0,2% des diabétiques, avec un âge moyen d'apparition de 50 à 60 ans, sans prédominance homme/fem-me. Le plus souvent, le diabète évolue en moyenne depuis douze à dix-huit ans et est mal équilibré.
La plupart des atteintes surviennent dans les extrémités inférieures, au niveau du pied et de la cheville, rarement au niveau du genou et du rachis. L'atteinte est bilatérale dans 18% des cas. Le patient consulte, souvent tardivement, pour une impotence et une tuméfaction d'apparition progressive mais rapide du pied, parfois à la suite d'un traumatisme minime. A l'examen, le pied est déformé, élargi, affaissé et raccourci. Un épanchement articulaire peut compléter le tableau. Les pouls artériels sont toujours bien perçus.2 La douleur est modérée voire absente, souvent due à une polyneuropathie associée. Dans plus de la moitié des cas, on note la présence d'un ou plusieurs maux perforants plantaires. Une neuropathie est toujours présente1,2,3,4 (absence des réflexes achilléens et parfois rotuliens,
hypoesthésie superficielle en chaussettes, trou-bles de la sensibilité profonde, paresthésies). Les examens de laboratoire ne sont pas pathognomoniques.
La maladie évolue en trois phases.1,2 La première, appelée phase de destruction et de fragmentation, dure six à douze mois. Elle est caractérisée par une apparition soudaine. Le contraste entre l'importance de la déformation et l'absence de douleur est frappant. Elle peut être confondue avec une infection. La seconde phase est celle del'arthropathie constituée. La déformation du pied est importante, avec mobilité anormale, craquements lors des mouvements et même associée à de véritables subluxations. La troisième phase est la phase de consolidation ou de reconstruction. Le pied est alors souvent déformé, parfois instable voire ankylosé. Le devenir de l'articulation dépend de l'importance du mécanisme initial (traumatisme, surcharge) et de son élimination. Si le diagnostic est précoce, et que le membre atteint est mis en décharge, la destruction est moindre.
Les signes radiologiques sont discrets au début, puis on peut reconnaître des plages d'ostéolyse cortico-sous-corticales au sein de zones condensées à limites floues (image en sucre d'orge sucé, en pointe de crayon), siégeant souvent en dehors des points d'hyperpression. Les premiers et cinquièmes orteils sont souvent touchés ; certains auteurs classifient ces changements comme une entité distincte, l'ostéolyse de l'avant-pied.1,2,3,6,7
Le traitement vise dans un premier temps à diminuer l'œdème, à soutenir et à stabiliser le pied pour éviter les déformations. Le pied doit être soutenu et mis en décharge jusqu'à disparition de l'œdème, ce qui requiert habituellement six à douze mois. Une thérapie d'avenir pourrait être représentée par les bisphosphonates ; en effet des essais de traitement avec du pamidronate (Aredia®) ont donné des résultats encourageants.5Le traitement préventif est essentiel, visant la prévention des traumatismes, port de chaussures adaptées, examen soigneux et régulier des pieds et, bien sûr, contrôle optimal du diabète. 

Ostéopénie diabétique2,3,7,8

Une ostéopénie est observée aussi bien chez le diabétique insulino-dépendant que chez le non insulino-dépendant. Elle se retrouve chez 30% à 50% des jeunes diabétiques insulino-dépendants. Un déficit osseux significatif peut déjà être présent au moment du diagnostic du diabète. La perte est plus marquée au début de la maladie et se stabilise après environ cinq ans d'évolution ; en cas de début précoce du diabète, elle peut avoir comme conséquence une petite taille. Elle est plus importante lors de mauvais contrôle métabolique, mais n'est que partiellement corrigée par une insulinothérapie efficace.
Chez les diabétiques non insulino-dépendants, la situation est moins claire, probablement en raison de l'hétérogénéité des patients. Selon les études, 20% à 60% des diabétiques non insulino-dépendants ont une diminution de la masse osseuse de 10%, voire de 20% en cas de déséquilibre majeur.
Des études animales ont mis en évidence dans les ostéoblastes des taux de calcium intracellulaire anormal, pouvant altérer leur fonction. Ainsi, la perte osseuse est expliquée par une diminution du turn-over osseux et un ralentissement de l'ostéoformation.8 L'absorption du calcium est normale voire augmentée, tandis que l'excrétion rénale est accrue ; la calcémie reste normale. Le taux de calcitonine est normal, la sécrétion de PTH est diminuée, entraînant un abaissement du 1,25(OH)2D3. L'ostéocalcine est basse traduisant le ralentissement de l'ostéoformation. L'apport d'insuline entraîne une reprise de l'ostéoformation et une activation de l'absorption calcique. 

Chéiroarthropathie diabétique2,5,6,7,9,10,11,12,13,14,15

Aussi appelée «Syndrome of Limited Joint Mobility» (SLJM). Le développement insidieux d'un flexum de la main chez les diabétiques a été décrit il y a 100 ans déjà,9 mais la première vraie description n'a été faite qu'en 1971.
C'est une affection des doigts se manifestant chez des sujets diabétiques, le plus souvent insulino-dépendants, et dont le diabète a commencé avant la puberté.11 La prévalence varie de 30 à 40% , voire jusqu'à 75% chez les diabétiques non insulino-dépendants ;6,7,9 elle peut survenir à tout âge, sans prédominance homme/femme. Elle peut même précéder la découverte du diabète.9
Au stade précoce, elle est souvent asymptomatique ; puis les patients se plaignent d'une raideur douloureuse d'un ou plusieurs doigts, généralement les trois derniers, limitant aussi bien la flexion que l'extension, sans phénomène de ressaut ; l'atteinte peut être bilatérale. Le diagnostic se fait par l'examen clinique en recherchant : le signe de la prière(paumes conjointes comme pour prier) ; le signe de la table (aplatir la paume et les doigts contre une surface plane) ; et l'incapacité de fermer complètement le poing. Lors de l'examen, on relève encore une résistance lors de la mobilisation passive des articulations concernées et une limitation de l'extension et de la
flexion. 9,11,12,13,14,15
La SLJM se retrouve souvent associée à une périarthrite de l'épaule et une neuropathie périphérique. La sévérité de la chéiroarthropathie est corrélée avec la présence d'une rétinopathie proliférative modérée à sévère (risque augmenté de 2,8 fois). Il n'y a, par contre, pas d'association avec une rétinopathie de type background.10,13 Aucune relation n'a été décrite avec la présence d'une néphropathie ou le contrôle métabolique du diabète.10 Mais le risque de développer une macroalbuminurie est augmenté de 3,6 fois.5 La chéiroarthropathie est plus fréquente chez les patients ayant une microangiopathie et un diabète de longue durée. Elle peut précéder de 4 à
5 ans les complications de la microcirculation.9,12,13 Le poumon est également souvent atteint dans la SLJM. Les fonctions pulmonaires mettent en évidence une diminution des capacités totale et vitale. Elle pourrait être secondaire à un vieillissement prématuré du tissu conjonctif pulmonaire.9
La biopsie cutanée montre une atrophie des annexes du derme et une augmentation des dépôts de collagène. Un épaississement cutané est fréquent dans le diabète,14 avec ou sans SLJM.
Les examens de laboratoire ne sont pas contributifs.
Plusieurs mécanismes pathogénétiques entrent probablement en jeu.9 Les taux continuellement élevés de glucose sanguin entraînent une importante glycosylation non enzymatique des protéines, ayant comme conséquence une augmentation de l'hydratation du collagène. Le collagène glycosylé devient résistant à la dégradation enzymatique et chimique. Il s'accumule ainsi
graduellement, d'autant plus qu'il n'y a pas de diminution compensatrice de production. La mi-croangiopathie souvent associée à la chéiroarthropathie serait responsable d'une induction de la fibrose ; le processus est inconnu, mais le fibroblaste pourrait répondre à une hypoxie régionale par une augmentation de la production de collagène. La moins bonne mobilisation en raison des douleurs et d'une faiblesse augmente la sensation de raideur et diminue encore l'amplitude articulaire des articulations touchées. A l'heure actuelle, le traitement conservateur reste décevant.9L'aspirine et d'autres médicaments anti-inflammatoires, ainsi que les traitements physiques, n'apportent que peu d'amélioration objective. Un contrôle optimal du diabète ne permet pas de prévenir ni de diminuer la chéiroarthropathie. La pénicillamine et le bêta-ami-no-proprionitrile empêchent la formation des liaisons du collagène ; ces molécules semblent efficaces chez les animaux, mais chez l'homme, elles ne sont pas utilisées en raison de leurs effets secondaires (respectivement protéinurie, neuropathie, et toxicité importante). L'aminoguanidine prévient la glycosylation des protéines et diminue les liaisons du collagène, mais elle n'est pas encore employée chez l'homme. Le traitement actuel vise un contrôle optimal du diabète associé à de la physiothérapie. Une ténolyse peut apporter une amélioration chez certains patients. 

Périarthrite de l'épaule2,3,4,7,10,15

L'incidence de la périarthrite de l'épaule est quatre à six fois plus élevée chez les diabétiques, surtout chez les insulino-dépendants avec ou sans chéiroarthropathie, chez les femmes et les sujets de plus de 40 ans.7,10,15 L'atteinte peut être unilatérale ou bilatérale. L'affection est douloureuse, de sévérité variable, allant d'une légère limitation des mouvements à une épaule bloquée. Une atteinte secondaire du bras n'est pas rare et peut évoluer en un syndrome épaule-main. Elle est parfois associée à un syndrome du tunnel carpien. Le bras non dominant est plus souvent atteint. Chez les diabétiques, l'atteinte est plus souvent bilatérale, récidivante et douloureuse.
Le traitement consiste en premier lieu en l'administration de médicaments analgésiques et en prescription de physiothérapie. Les injections intra-articulaires de cortisone ne doivent être effectuées qu'en cas d'échec des mesures précédentes. 

Le syndrome épaule-main2,4,7

Forme particulière de l'algoneurodystrophie associant une rétraction capsulaire de l'épaule et une algodystrophie de la main homolatérale. Elle est plus fréquente chez les sujets diabétiques que chez les contrôles. Le traumatisme reste la cause prédisposante prédominante. Cliniquement, on observe une raideur et une douleur de la main avec œdème diffus, chaleur, érythème et hyperhydrose. Après plusieurs semaines ou mois, l'œdème disparaît et une atrophie cutanée et musculaire apparaît, ainsi qu'une ostéopénie. Elle peut régresser spontanément complètement ou entraîner une dysfonction permanente du membre. 

Maladie de Dupuytren2,4,5,6,7,13,14,16

Décrite pour la première fois par Guy Dupuytren en 1834. Il s'agit du développement insidieux d'une fibrose rétractile de l'aponévrose palmaire superficielle, aboutissant en un flexum des doigts. Elle survient le plus souvent chez l'homme de 40 à 50 ans, et se rencontre chez 4 à 10% de la population générale. Selon diverses études, 15 à 30% des diabétiques ont une maladie de Dupuytren.5,6,7,16 Sa présence dépend de la durée du diabète, mais elle peut être présente chez 16% des adultes lors du diagnostic de diabète. Chez les non-diabétiques, les lésions sont généralement situées sur les quatrième et cinquième rayons, alors que chez les diabétiques, les troisième et quatrième rayons semblent plus souvent touchés.
L'étiologie est encore inconnue mais de multiples hypothèses sont émises, dont l'hypothèse métabolique.13,14Les perturbations métaboliques induites par le déficit en insuline ont comme conséquence une diminution de l'élasticité du collagène ; ainsi les divers mouvements entraîneraient des microruptures de l'aponévrose palmaire. L'évolution de la maladie est expliquée par des périodes de stabilisation-cicatrisation entre microruptures et nouvelles ruptures. Une cicatrisation exubérante commencerait alors le cycle de la rétraction de l'aponévrose palmaire. 

Ténosynovite des fléchisseurs (doigt à ressaut)2,4,5,6,11

C'est une synovite sténosante des gaines des tendons fléchisseurs, localisée en regard de l'articulation métacarpo-phalangienne, à l'endroit où la gaine synoviale est renforcée par des poulies ventrales. Le tendon est épaissi et peut constituer un véritable nodule de caractère fibreux, il glisse alors difficilement dans sa gaine. Le mouvement d'extension de la deuxième phalange d'un doigt s'accompagne d'un ressaut, souvent douloureux, lors du passage du nodule à l'endroit de stricture. Il peut en résulter un enraidissement complet d'un doigt. Cette affection touche plus souvent la femme et la main droite (pouce). Elle est le plus souvent idiopathique ; mais le diabète semble être présent chez 10 à 30% des sujets.6,11 Une association avec un tunnel carpien, une microangiopathie et une neuropathie périphérique ont été décrites.

Syndrome du tunnel carpien2,4,5,7,10

Il s'agit d'une compression du nerf médian dans le tunnel carpien, provoquant des douleurs avec ou sans paresthésies, localisées aux trois ou quatre premiers doigts de la main, prédominant la nuit.
Le diabète est la maladie systémique associée la plus fréquemment observée (incidence de 5 à 25%).5 Le patient typique est une femme (3 femmes/1 homme), entre 50-60 ans, qui se plaint de gêne, fourmillements ou douleurs dans le territoire du nerf médian. A l'examen clinique, on trouve une hypoesthésie de la pulpe des trois ou quatre premiers doigts ainsi qu'une faiblesse des muscles opposant et court abducteur du pouce. Le signe de Phalen (flexion maximale du poignet pendant une minute) et le signe de Tinel (percussion du nerf médian dans le tunnel carpien) sont positifs. Une association avec la chéiroarthropathie a été évoquée ;10 celle-ci aurait pour conséquence une compression du nerf médian par des dépôts de collagène dans le rétinoculum des fléchisseurs. En outre, la neuropathie diabétique rendrait le nerf médian plus sensible à la compression.
Une cure chirurgicale est fréquemment nécessaire chez le patient diabétique. En effet, l'injection de corticostéroïdes dans le tunnel carpien ne suffit pas à diminuer la compression du nerf médian due à la fibrose.

Hyperostose ankylosante (ou «Diffuse idiopathic skeletal hyperostosis», DISH)2,3,4,7

Elle a été décrite pour la première fois par Forestier et Rotes-Querol en 1950, chez neuf sujets âgés sous le nom de hyperostose ankylosante sénile. Par la suite, on remarque que des sujets jeunes peuvent également être atteints et que d'autres structures que la colonne vertébrale peuvent être touchées (par exemple : genoux, chevilles). L'incidence est encore mal déterminée dans la population générale, elle toucherait 4 à 6% des sujets de plus de 40 ans, mais entre 13 et 49% des diabétiques,7 les hommes plus souvent que les femmes, surtout s'ils sont obèses. Il n'y aurait pas de corrélation entre la sévérité de l'hyperglycémie et l'étendue de l'hyperostose. Cliniquement, elle est peu symptomatique, il s'agit le plus souvent d'une découverte radiologique fortuite. Parfois les patients se plaignent de raideur et de limitation des mouvements du dos, parfois de radiculalgies. Les signes radiologiques sont observés au niveau de la colonne dorsale sous for-me d'éperons osseux, latéraux et à droite, pouvant former des ponts osseux entre les vertèbres adjacentes, particulièrement au niveau de D8-D9 (aspect typique en flamme de bougie).
Le traitement est purement symptomatique. Le pronostic est excellent, car il n'y a pas de restriction des fonctions pulmonaire ni cardiaque. 

Goutte2,3,4,7

La goutte est caractérisée par une perturbation du métabolisme de purines entraînant une hyperuratémie. Elle se manifeste par des poussées récidivantes d'arthrite, des dépôts d'urate de sodium dans les articulations, le tissu sous-cutané et le rein. Elle se rencontre dans environ 0,3% de la population générale, essentiellement chez l'homme de plus de 30-40 ans. Il y a plus de 200 ans qu'une association entre la goutte et le diabète a été évoquée mais malgré ces deux siècles de discussion, le sujet reste controversé. Dernièrement, la goutte fait partie intégrante du syndrome métabolique, de la résistance à l'insuline.
Les diabétiques mal contrôlés et présentant des acidocétoses peuvent développer une hyperuricémie suite à l'inhibition de l'excrétion des urates par le rein. La déshydratation et le catabolisme protéique augmenté peuvent aussi jouer un rôle. Toutefois, l'incidence du diabète ne semble pas plus élevée chez les sujets goutteux ; par contre les crises de goutte sont plus fréquentes chez les diabétiques, probablement en relation à l'incidence élevée d'obésité. 

Chondrocalcinose ou pseudogoutte2,3,4,7

La chondrocalcinose est la conséquence de dépôts de cristaux de pyrophosphate de calcium dans les articulations. Elle s'observe chez les sujets âgés des deux sexes, avec une prévalence qui augmente avec l'âge. Il n'y a pas d'association entre le diabète et la chondrocalcinose. L'observation simultanée de chondrocalcinose et de diabète représente probablement une association fortuite de deux maladies fréquentes chez le sujet âgé. 

Arthrose2,3,4,7

Ce processus dégénératif chronique affecte au début le cartilage hyalin, la membrane synoviale, puis l'os et les tissus péri-articulaires. C'est la plus commune des affections rhumatismales et l'une des maladies chroniques les plus fréquentes : 50% des adultes sont concernés par l'arthrose. Sa fréquence s'accroît avec l'âge. Septante-cinq pour cent des femmes obèses de plus de 60 ans souffrent d'arthrose. On relève la présence de facteurs communs entre le diabète et l'arthrose, comme l'obésité et l'âge. Les problèmes dégénératifs chez les diabétiques surviennent plus souvent, plus tôt et sont plus sévères.2.3.4 

Infection3,6

Plusieurs facteurs prédisposent le diabétique aux infections. Bien entendu les taux de glucose sanguins élevés fournissent un milieu favorable au développement de certains micro-organismes. Une microcirculation altérée a pour conséquence une diminution de l'apport de facteurs protecteurs humoraux et cellulaires. Finalement, des altérations métaboliques entraînent une diminution de la mobilité, du chimiotactisme et de la phagocytose des macrophages, et une perturbation de la fonction lymphocytaire. Les signes cliniques classiques d'infection sont souvent présents mais non spécifiques ; ils peuvent être présents en l'absence d'infection (dans l'ostéoarthropathie de Charcot par exemple) ou absents malgré une infection sévère, lors d'une insuffisance artérielle sévère concomitante. Le Staphylococcus aureus est le germe le plus souvent rencontré, mais l'infection polymicrobienne est fréquente. Des corps étrangers sont de plus souvent retrouvés.
Une ostéomyélite du pied survient relativement fréquemment chez les diabétiques, surtout chez ceux ayant une neuropathie. Une amputation devrait être envisagée en fonction de la localisation (orteil) ou lorsque l'infection persiste malgré une antibiothérapie adéquate. 

Conclusion

Les complications ostéoarticulaires rencontrées lors de diabète peuvent être divisées en deux groupes : celles caractérisées par un dépôt excessif de tissu conjonctif (principalement le collagène) et celles en relation avec une dysfonction du système nerveux autonome. Certaines pathologies, comme le syndrome épaule-main, sont concernées par les deux processus.
Une incidence augmentée chez les sujets diabétiques est clairement établie pour l'ostéoarthropathie de type Charcot, l'ostéolyse de l'avant-pied, l'ostéopénie et la chéiroarthropathie. Une relation est très probable entre le diabète et l'ostéoarthopathie de type Charcot, l'ostéopénie, la chéiroarthropathie, la périarthrite de l'épaule, l'hyperostose ankylosante, la maladie de Dupuytren, l'arthrose, la ténosynovite des fléchisseurs, le syndrome du tunnel carpien, et le syndrome épaule-main. Par contre, aucune association n'a pu être mise en évidence avec la goutte et la chondrocalcinose.

Bibliographie

BIBLIOGRAPHIE
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Lombalgie du sujet âgé : le cas méconnu de la scoliose adulte


Résumé
La scoliose adulte est une situation méconnue, fréquemment rencontrée dans la population âgée et qui mérite une attention particulière. Cet article a pour but de fournir aux praticiens les éléments nécessaires pour dépister ces patients, réaliser le bilan radiologique adéquat en fonction des situations cliniques et mettre en place une stratégie thérapeutique adéquate.

Vignette clinique

Une femme de 68 ans consulte en 2007 pour une lombalgie irradiant dans le membre inférieur droit selon un trajet non radiculaire, devenue constante depuis quatre ans et plus importante depuis deux ans. La lombalgie limite le périmètre de marche à 30 minutes et la patiente décrit une difficulté à se redresser.
L’anamnèse systématique révèle une hypertension bien contrôlée, un alcoolisme chronique avec plusieurs tentatives de sevrage et une thymie dépressive. Il n’y a pas d’élément pour une lombalgie spécifique.
L’état général est diminué, l’expression un peu ralentie et le faciès triste. Il existe un discret trouble statique cliniquement réductible, un syndrome lombo-vertébral discret sans limitation d’amplitude et aucun élément pour un syndrome radiculaire.
Le diagnostic de lombalgie chronique avec probable composante de camptocormie (faiblesse musculaire des érecteurs du tronc) dans un contexte d’alcoolisme chronique est retenu, l’antalgie est adaptée et une prescription de physiothérapie active incluant des exercices de gainage, de proprioception et d’endurance est délivrée.
La patiente reprend contact deux ans plus tard. Les symptômes se sont aggravés, l’antalgie est inefficace, le périmètre de marche est à 100 mètres et les déplacements au domicile sont difficiles.
A l’examen clinique, on est frappé par une importante cyphoscoliose lombaire que l’on retrouve sur la radiographie (figure 1).
Figure 1

Radiographie de la colonne lombaire de face de la même patiente

A. 2003. B. 2007. C. 2009.

Généralités

La lombalgie du sujet âgé (après 65 ans) reste fortement méconnue. Les données épidémiologiques à disposition sont hétérogènes1 mais la diminution de prévalence au-delà de 65 ans, fréquemment citée dans les revues, ne semble concerner que les cas bénins.2
Le diagnostic différentiel des lombalgies est identique quel que soit l’âge (tableau 1). Plus le patient est âgé, plus la prévalence d’une néoplasie primaire ou secondaire est augmentée. De même, une attention particulière doit être portée pour la détection de tassements vertébraux afin d’en améliorer la prise en charge et débuter un traitement anti-ostéoporotique. Lorsque la lombalgie s’accompagne d’une irradiation dans les membres inférieurs, on recherchera des arguments cliniques pour une claudication neurogène (tableau 2), seule manifestation clinique clairement liée à un canal lombaire rétréci. A cet âge, les syndromes radiculaires (tableau 2) semblent moins fréquents, impliquent plus volontiers les racines L3 ou L4 et sont plus souvent liés à un rétrécissement foraminal d’origine dégénérative qu’à une hernie discale.
Tableau 1
Diagnostic différentiel d’une lombalgie
Symptômes et signes évocateurs LR* si présent LR si absent Infection Spondylodiscite • Fièvre, frissons 25 0,5 Abcès épidural • Percussion douloureuse 2,1 0,23 Endocardite • Perte de poids • Baisse de l’état général Fracture Trauma à haute vélocité • Traumatisme récent : 2 0,82 – > 50 ans 2,2 0,26 Ostéoporose – > 70 ans 5,5 0,81 • Corticostéroïdes 12 0,94 • Antécédent de fracture • Ostéoporose connue Néoplasie Osétome ostéoïde • Antécédent néoplasique 15,5 0,7 Myélome multiple • Pas d’amélioration au repos 1,7 0,21 Métastase • Au moins un des suivants : 2,5 0,0 – > 50 ans, perte de poids, antécédent +, pas d’amélioration sous traitement Spondylarthropathie Spondylarthrite ankylosante • < 40 ans 1,07 0,0 • Sexe Rhumatisme psoriasique • Lombalgie inflammatoire • Autres symptômes évocateurs
Tableau 2
Définitions
Syndrome radiculaire Douleur qui suit un dermatome, éventuellement avec des caractéristiques neurogènes. Accompagnée de signes irritatifs (Lasègue, Lasègue inversé ou Lasègue contro-latéral) et/ou de déficits neurologiques correspondant au dermatome (sensitif, moteur ou réflexe) Claudication intermittente neurogène Irradiation dans un ou deux membres inférieurs apparaissant après un périmètre de marche relativement fixe, soulagée par la flexion antérieure du tronc ainsi que par la position assise. Pas de soulagement en station debout immobile. Une lombalgie n’est pas nécessaire mais peut être présente
Pour les autres présentations cliniques, de loin les plus fréquentes, il n’existe actuellement aucun argument clinique permettant de déterminer si une structure anatomique spécifique (par exemple une articulation interapophysaire postérieure) est à l’origine des douleurs 3 ou s’il s’agit d’un problème de dysfonctionnement musculo-squelettique comme c’est le plus souvent le cas lors de lombalgie commune du sujet jeune.4 Quelques études cliniques réalisées à partir de blocs anesthésiques suggèrent cependant une participation plus fréquente des articulations interapophysaires postérieures.5 Parmi ces patients âgés au tableau clinique mal défini, un sous-groupe présente radiologiquement une scoliose de novo comme dans la vignette clinique. Relativement peu prévalents dans la population générale, ces patients représentent plus du quart des patients âgés consultant un spécialiste et méritent une attention particulière.


Scoliose de l’adulte : éléments cliniques

Chez le sujet adulte, la scoliose peut avoir plusieurs étiologies (tableau 3). Les déformations les plus fréquentes sont les scolioses de novo et les scolioses secondaires de l’adulte, mais il n’est pas rare de rencontrer des situations à étiologie mixte.6 Comme toutes les scolioses, celles de l’adulte sont définies radiologiquement par un angle de Cobb supérieur à 10°. Elles concernent plus fréquemment le segment lombaire des femmes dès la quarantaine. Leur expression clinique est variée. Le plus souvent, il s’agit de lombalgies mécaniques mais celles-ci peuvent prendre un caractère inflammatoire (souvent lors de la présence concomitante d’un œdème dans les plateaux vertébraux), s’accompagner de radiculalgie ou de claudication neurogène. Les symptômes de compression neurologique peuvent être unilatéraux, par compression du côté concave ou par étirement du côté convexe.
Tableau 3
Classification des scolioses de l’adulte
Type de scolioses de l’adulte Etiologies Sommets de courbure Scoliose de novo (dégénérative primaire) Dégénérescence discale et facettaire asymétrique Lombaire ou thoraco-lombaire Scoliose progressive de l’adolescent Scoliose idiopathique ayant progressé chez l’adulte Thoracique, thoraco-lombaire, lombaire Scoliose secondaire de l’adulte • Pelvis oblique, inégalité de longueur des membres inférieurs Thoraco-lombaire, lombaire, lombo-sacré • Trouble du métabolisme osseux (ostéoporose…)
L’examen clinique s’attachera à vérifier l’horizontalité du bassin, le patient en position debout. Une inégalité de longueur des membres inférieurs peut parfois être un facteur décompensant des lombalgies sur scoliose. L’amplitude articulaire des hanches et des genoux doit également être testée : une coxarthrose responsable d’un flexum peut également être un facteur décompensant de douleurs et représente une priorité dans la prise en charge chirurgicale globale de ces patients. C’est en flexion, bras tendus, que l’on repère le mieux une gibbosité lombaire, thoraco-lombaire ou thoracique dans le cas d’anciennes scolioses idiopathiques de l’adolescent. Il faut également observer l’équilibre global du patient dans le plan frontal (alignement des ceintures pelvienne et scapulo-thoracique) et sagittal (lordose, cyphose). Les patients les plus symptomatiques seront ceux qui présentent une déformation en cyphoscoliose : ils marchent penchés en avant (cyphose) et penchés sur le côté (déviation de la ceinture scapulo-thoracique par rapport au bassin, due à la scoliose). La dépense d’énergie pour ces patients est énorme, car ils luttent constamment pour ne pas tomber en avant. Dans le cadre d’une consultation spécialisée, nous nous attacherons également à tester cliniquement la réductibilité de la scoliose. L’examen clinique neurologique est par contre le plus souvent normal.


Bilan radiologique

La scoliose dégénérative se manifeste le plus souvent par une lombalgie de type mécanique qui se distingue peu de la lombalgie commune. Un bilan radiologique est souvent prescrit dans l’idée d’éliminer un tassement vertébral dans une population à risque ou lorsque l’examen clinique suggère un trouble statique, déséquilibre frontal ou gibbosité. L’évaluation comporte toujours des clichés standards, patient debout. Il faut distinguer l’attitude scoliotique, déviation posturale, de la vraie scoliose caractérisée par une rotation des corps vertébraux (les pédicules sur la radiographie de face ont une taille apparente asymétrique et les apophyses épineuses ne sont pas alignées). Dans le cas de scoliose dégénérative, les corps vertébraux conservent un aspect carré (sauf en présence de tassement ostéoporotique) et n’ont pas la forme trapézoïde typiquement rencontrée lorsque la scoliose a débuté dans l’adolescence. Le cas échéant, l’équilibre général sera évalué par des clichés de colonne totale de face et de profil.
En cas de syndrome radiculaire persistant ou de claudication neurogène invalidante, une IRM est utile afin de préciser la localisation et l’étendue de la sténose ainsi qu’une éventuelle hernie discale associée.


Traitements conservateurs

Il n’existe aucune littérature spécifique de qualité concernant l’efficacité des traitements pharmacologiques ou physiothérapeutiques dans cette indication. On se basera donc par analogie à ce qui se fait dans les syndromes proches, lombalgies non spécifiques, radiculopathie par hernie discale ou claudication neurogène sur canal lombaire rétréci. Il est important, comme lors de lombalgies non spécifiques, de dépister et de prendre en charge activement les principaux facteurs de risque de chronicisation que sont l’anxiété, la dépression, alors que le catastrophisme et la kinésiophobie ne semblent pas être des facteurs prépondérants dans cette catégorie d’âge.7 En cas de situations complexes, un spécialiste rhumatologue ou rééducateur aidera à la mise en place d’une prise en charge multidisciplinaire et guidera le choix de la physiothérapie (gainage, étirements neuroméningés, McKenzie, endurance, délordose, proprioception…). L’utilité de l’infiltration (par exemple péridurale en cas de claudication ou de radiculalgie, ou facettaire en cas de lombalgies localisées) doit être évaluée grâce à une synthèse clinico-radiologique compte tenu de la fréquence importante d’anomalies radiologiques dans la population asymptomatique.8 Une prudence particulière est de mise pour les infiltrations périradiculaires (dites aussi foraminales) en raison des effets secondaires rares mais graves (cas de paraplégies) récemment rapportés.9 Outre l’aspect thérapeutique potentiel, les infiltrations ciblées et bien évaluées apportent des renseignements utiles lors d’une éventuelle décision chirurgicale.
Le port d’un corset pourra être discuté même si l’on ne peut certainement pas en attendre l’effet structurel (ralentissement de l’évolution) espéré chez l’adolescent. Son but est donc antalgique, par stabilisation mécanique. Le plus souvent, nous proposons des corsets de type BOB (Boston overlap brace) puisque les scolioses dégénératives sont le plus souvent lombaires. L’efficacité est limitée lors de déséquilibre sagittal ou frontal important et il n’y a pas d’indication à immobiliser en corset un patient avec une prédominance de douleur radiculaire ou de claudication neurogène.


Quand référer un patient au chirurgien ?

Un avis chirurgical est de rigueur lorsque le patient présente des signes cliniques de déséquilibre frontal et sagittal, et en particulier en cas d’association avec des symptômes de claudication neurogène. La consultation n’aboutira pas systématiquement à une sanction chirurgicale, mais permettra au chirurgien de prendre connaissance de la situation et de planifier un suivi radio-clinique. La fréquence du suivi radiologique dépend des symptômes et de leur répercussion sur la qualité de vie, de l’appréciation radiologique de l’équilibre dans les deux plans, et des signes radiologiques d’instabilité (olisthésis, dislocation rotatoire, présence ou non d’ostéophytes pontant les disques, etc.). Si le risque d’évolution est jugé élevé, une radiographie de colonne totale sera ordonnée six mois plus tard. Un an ou plus si le risque est faible. Si une intervention chirurgicale est envisagée, le bilan sera fréquemment complété par des clichés en flexion, extension et inclinaisons habituellement réalisés en présence du chirurgien qui effectue des manœuvres destinées à tester la réductibilité de la déformation. On recourt également à la myélo-sacco-radiculographie avec coupes CT afin d’obtenir une excellente représentation en 3D.
La prise en charge chirurgicale dépendra du type et de l’intensité des symptômes ressentis par le patient, et de leur répercussion sur sa qualité de vie. Diverses options chirurgicales peuvent être choisies, en s’efforçant toujours d’être le moins agressif possible avec des patients dont l’âge peut parfois être très avancé. L’étendue de la chirurgie va donc varier selon si le problème clinique prédominant de la scoliose est un trouble majeur de l’équilibre, avec lombalgies plus ou moins sévères, ou si c’est plutôt une douleur radiculaire dans le contexte d’une scoliose bien équilibrée dans les plans frontal et sagittal. Dans le premier cas, on s’orientera vers une chirurgie de plusieurs heures qui consistera à réduire la déformation et à en rétablir l’équilibre sagittal et frontal, afin de redonner une autonomie à la marche. Dans le deuxième exemple, une décompression segmentaire à minima sera préférée pour éviter de déstabiliser la colonne vertébrale.

Vignette clinique : attitude

L’évolution clinique et radiologique chez cette patiente est nettement défavorable sur une période de deux ans. Une radiographie de colonne totale doit être ordonnée, mais on remarque déjà sur le cliché lombaire de face qu’il existe une déviation importante du tronc sur la droite. L’anomalie a pris son origine en L4-L5 où l’on constate une dégénérescence asymétrique avec translation et rotation de L4 sur L5 (scoliose adulte de novo). Il s’agit donc d’une déformation originellement concentrée sur un segment, avec une déviation compensatoire de la colonne lombaire sus-jacente. Ces déformations très courtes sont en général très symptomatiques et présentent un fort potentiel d’évolution. La problématique prédominante étant une cyphoscoliose déséquilibrée et douloureuse avec risque important d’aggravation, il faudra proposer à la patiente une chirurgie de correction et de stabilisation. L’étendue du montage dépendra de la réductibilité de la courbure compensatrice et devra être encore précisée par des clichés en inclinaison. Le canal rachidien devra encore être exploré radiologiquement puisque la patiente souffre d’une irradiation dans le membre inférieur droit.

Implications pratiques

> Parmi les patients âgés lombalgiques, certains présentent une scoliose de novo et nécessitent une prise en charge spécifique
> L’anamnèse et l’examen clinique sont les éléments qui permettent de repérer les différents syndromes (syndrome lombovertébral, radiculaire, claudication), d’ajuster le bilan radiologique et de guider l’approche thérapeutique
> Le type de physiothérapie et le choix des infiltrations doivent être guidés par la clinique
> Le corset fait partie des possibilités thérapeutiques lorsqu’il n’y a pas de déséquilibre statique important
> Un avis chirurgical doit être requis lorsqu’il existe un déséquilibre statique important ou lors d’une évolution clinique défavorable

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